Actualités et perspectives

 

Dans la presse…

Pierre MONCHARMONT

Si le taux de survie après transfusion a bénéficié de plusieurs études chez l’adulte, il n’en est pas de même chez l’enfant où aucune cohorte importante n’a été évaluée. Une étude canadienne vient de combler cette lacune (Gauvin et al. Long-term survival rate of pediatric patients after blood transfusion. Transfusion 2008, 48:801-808). Les auteurs ont recensés les patients ayant reçu leur première transfusion entre mai 1990 et avril 1992 dans un hôpital équivalent à un centre hospitalo-universitaire. Sur un ensemble de 1341 patients, 1100 enfants (âge inférieur à 17 ans au moment de la première transfusion) ont été inclus. L’âge moyen à la première transfusion est de 15,6 mois. Une intervention chirurgicale concernait la moitié des patients (550) principalement la chirurgie cardiaque (40,3 % du total). Ces patients ont reçu, la première transfusion incluse, un total de 7144 transfusions.

Dans les 10 ans qui ont suivis la première transfusion, 195 patients sont décédés (17,7 %). Les taux de survie post-transfusionnelle étaient respectivement de 86,9 % à un an, 85,5 % à 2 ans, 83,6 % à 5 ans et 82,5 % à 10 ans. La durée de survie médiane pour les décédés était de 22 jours.

En réalisant une analyse multivariée, les auteurs ont montré que les facteurs de risque de décès étaient respectivement un âge de moins de un mois au moment de la première transfusion, un diagnostic initial de pathologie maligne, un nombre de transfusions supérieur à 20 et l’utilisation de deux ou trois types de produits sanguins. A la différence des adultes, ils n’observent pas de différence du taux de survie post-transfusionnelle entre les patients traités dans le cadre médical ou chirurgical.

L’association risque de décès / nombre de transfusions administrées ne présente pas une évolution linéaire. Des patients ayant reçus une ou deux transfusions ont un risque de décès supérieur à ceux en ayant reçu de 5 à 10. Néanmoins, un nombre élevé de transfusion (plus de 11) peut correspondre à la sévérité de la pathologie ou à sa durée. Dans ce cas, le risque de décès augmente.

Les auteurs concluent que le décès survient tôt après la première transfusion et qu’ultérieurement, le taux de survie demeure relativement stable.

La Croix Rouge allemande vient de publier son expérience du dépistage par biologie moléculaire sur minipools de trois virus, le HIV, le HCV et le HBV sur plus de 30 million de dons de sang (Hourfar et al. Experience of German Red Cross blood donor services with nucleic acid testing : results of screening more than 30 million blood donations for human immunodeficiency virus-1, hepatitis C virus, and hepatitis B virus. Transfusion 2008, 48:1558-1566). De janvier 1997 à décembre 2005, 31 524 571 dons de sang ont été testés pour les marqueurs sérologiques du HIV, HCV et HBV et le dosage des transaminases (ALAT) effectué. Seuls 3 769 766 dons ont été testés pour les anticorps anti-HBc, soit 12 % du total. Le dépistage par biologie moléculaire du HIV, HCV et HBV a été introduit sur une base volontaire puis obligatoire (pour le HCV dès 1999) en utilisant la technique des minipools (principalement depuis 1999: taille de 96 dons avec enrichissement viral par centrifugation haute vitesse ou ultracentifugation). Sur cette période, 73 dons positif uniquement en biologie moléculaire ont été trouvés, se répartissant en 7 HIV-1, 23 HCV et 43 HBV. Pour l’HBV, sur ces 43 dons, 21 étaient porteurs d’anticorps anti-HBc. Parmi les 23 dons en période silencieuse pour le HCV, 8 comportaient un taux d’ALAT augmenté. Enfin, 2 des dons en période silencieuse pour le HIV-1 ont été éliminés par exclusion confidentielle.

En l’absence des tests de biologie moléculaire, 22 dons infectés par le HBV, 15 dons par le HCV et 5 dons par le HIV-1 auraient été libérés pour un usage transfusionnel.

Sur la période d’étude, 9 dons HBV, un don HIV-1 et un don HCV ont été manqués par les tests de biologie moléculaire. Six des 9 dons HBV étaient infectés par le seul génotype G, génotype rare (problème technique de détection en raison des primers utilisés). Six concentrés plaquettaires issus de ces dons ont été transfusés à 4 receveurs. Deux ont été infectés par le HBV de génotype G. Aucun signe clinique d’infection aiguë n’a été observé et les deux receveur sont décédés dans les six mois qui ont suivi la transfusion incriminée de causes sans lien avec le produit contaminé. Pour le HIV-1, il s’agit également d’une infection par un génotype (HIV-1, sous type A) rare en Allemagne et non couvert par le test de biologie moléculaire. Le receveur a été contaminé par un concentré érythrocytaire. Enfin pour le HCV, le cas recensé comportait une charge virale faible de moins de 100 UI/mL. Mais le donneur avait un taux d’ALAT élevé (294 UI/L) et son don n’a pas été employé.

Les auteurs soulignent que pour le HBV, la situation est différente par rapport aux HIV-1 et HCV en raison de l’existence d’une antigènémie transitoire et de l’absence de recherche des anticorps anti-HBc sur la majorité des dons pour la détection des séroconversions chez les donneurs réguliers.

Le risque résiduel est estimé à 1 pour 10 880 000 dons pour le HCV, 1 pour 4 300 000 dons pour le HIV-1 et 1 pour 360 000 dons pour le HBV. L’estimation de la période silencieuse pour les tests de biologie moléculaire est de 32,4 jours pour le HBV, 9,7 jours pour le HIV et 6,3 jours pour le HCV.

Les auteurs considèrent que l’introduction d’un dépistage individuel en biologie moléculaire n’aurait qu’un effet marginal sur la découverte des dons en période silencieuse.

Parallèlement à la détection de gammapathies monoclonales via l’électrophorèse des protéines réalisées chez les donneurs de sang, l’introduction de la numération formule sanguine a également induit la découverte de pathologie asymptomatique. En complément de l’article présenté antérieurement (voir la Revue de presse, La gazette de la transfusion, n°209, mars-avril 2008), une équipe britannique vient de montrer que les sujets porteurs d’une lymphocytose monoclonale de type B pouvaient évoluer vers la leucémie lymphoïde chronique (Rawstron et al. Monoclonal B-cell lymphocytosis and chronic lymphocytic leukemia. New England Journal of Medicine 2008, 359:575-583). En utilisant la cytométrie en flux avec sensibilité élevée, les auteurs ont recherchés chez 1520 sujets (890 femmes et 630 hommes) âgés de 62 à 80 ans avec un nombre normal de lymphocytes et 2228 sujets présentant une lymphocytose (nombre absolu de lymphocytes supérieur à 4 ´ 109/L)
l’existence de lymphocytes B monoclonaux avec phénotype de leucémie lymphoïde chronique. Outre les marqueurs cellulaires, les auteurs ont exploré en technique d’hybridation in situ et fluorescence la présence d’anomalies chromosomiques et par biologie moléculaire et séquençage l’existence de réarrangement de gène d’immunoglobulines (gène IGHV, immunoglobulin heavy variable group).

Parmi les 1520 sujets avec numération sanguine normale, 78 (5,1 %) étaient porteurs de cellules B monoclonales avec phénotype de leucémie lymphoïde chronique. Ce taux atteignait 13,9 % (309 sur 2228) chez les patients avec lymphocytose. Une leucémie lymphoïde chronique a été diagnostiquée chez 1031 des 2228 patients.

La présence d’une délétion 13q14 a été détectée chez 48 % des sujets avec cellules B monoclonale à phénotype de leucémie lymphoïde chronique et d’une trisomie 12 chez 20 % (nombre total de sujets testés 71). L’existence de plus de 2 % de mutations dans la séquence germinative du gène IGHV est un facteur de bon pronostic dans le cadre de la leucémie lymphoïde chronique. Cette anomalie a été trouvée chez 35 des 40 sujets testés (88 %) porteurs de cellules B monoclonales à phénotype de leucémie lymphoïde chronique. Plus de la moitié des patients étaient porteurs du réarrangements des segments IGHV3-07, IHGHV3-23 et IGHV4-34.

Afin d’apprécier l’évolution vers la leucémie lymphoïde chronique, 185 patients présentant une lymphocytose avec des cellules B monoclonales à phénotype de leucémie lymphoïde chronique ont été suivis. La durée moyenne de ce suivi était de 6,7 ans. Une progression de la lymphocytose a été observée chez 51 patients (28 %)  avec, chez 31 d’entre eux, un nombre absolu de lymphocytes supérieur à 30 x 109/L. Le nombre de lymphocytes existant au moment de la découverte représente le seul facteur de risque significatif de progression de la lymphocytose. Des signes d’évolution vers une leucémie lymphoïde chronique (principalement une lymphadénopathie) sont apparus chez 28 patients (55 %). Treize de ces 51 patients requerraient une chimiothérapie. Le traitement a été initié en moyenne 4 ans après le diagnostic initial. Les auteurs montrent que chez les patients avec lymphocytose B monoclonale comportant des cellules B à phénotype de leucémie lymphoïde chronique, le taux estimé de progression vers une leucémie lymphoïde chronique nécessitant le recours à un traitement est de 1,1 % par an. Chez ces 185 patients, 62 sont décédés (34 %) mais seulement 4 de leucémie lymphoïde chronique. Enfin, un âge supérieur à 68 ans et un taux d’hémoglobine inférieur à 125 g/L représentent des facteurs pronostic de décès.

Comme pour l’électrophorèse des protéines, l’introduction de la numération formule sanguine chez les donneurs de sang a eu pour conséquences la découverte de pathologies asymptomatiques dont la prise en charge ultérieure devient nécessaire, même à très long terme. Ainsi, les donneurs de sang détectés porteurs d’une lymphocytose B monoclonale présentant un phénotype de leucémie lymphoïde chronique devront en bénéficier.

 

Pierre MONCHARMONT