Dans la presse...

 

La demande croissante de produits sanguins labiles, en particulier de concentrés érythrocytaires, liée notamment au vieillissement de la population et la nécessité de disposer d’un nombre suffisant de donneurs pour assurer la satisfaction des besoins ont amené les autorités de tutelle et les professionnels impliqués en transfusion à augmenter l’âge limite pour effectuer un don du sang. Des interrogations subsistent cependant sur les risques spécifiques encourus par cette population de donneurs âgés lors du don lui même. Une équipe allemande a réalisé une étude prospective qui montre que le don de sang jusqu’à l’âge de 71 ans ne présente pas de risque accru par rapport aux donneurs plus jeunes (Zeiler et al. The safety of blood donation by elderly blood donors. Vox Sanguinis 2011;101:313-319). En 1996, l’âge limite au don du sang est passé de 65 à 68 ans pour les donneurs réguliers et à partir de  2005, les donneurs de plus de 68 ans ont été invités à continuer à donner sous réserve d’accord médical.

L’étude prospective a porté sur une population de 23 millions d’habitants et une collecte comptant 1 million de dons par an. En 2006, il a été proposé aux donneurs réguliers âgés de 69 à 71 ans de poursuivre le don. En vue de leur étude, les auteurs ont constitué trois groupes de donneurs réguliers, un de donneurs âgés de 69 à 71 ans, un de donneurs âgés de 66 à 68 ans (âge limite de 1996) et un de donneurs âgés de 50 à 52 ans. Ce dernier groupe a été employé comme contrôle sur la base de trois arguments : le nombre d’effets indésirables donneur est lié au nombre de dons (les auteurs partant de l’hypothèse que la fourchette des dons des donneurs âgés se situerait dans celle des donneurs de 50 à 52 ans), les effets indésirables sont plus fréquents chez les jeunes donneurs (évite un biais statistique) et les taux d’effets indésirables diminuent lorsque le nombre de dons augmente (le groupe contrôle comprend des donneurs ayant une large expérience du don). Aucun donneur premier don n’a été inclus. Tous les dons étaient prélevés lors de collectes mobiles et avaient un volume de 500 mL plus 40 mL pour les tests de laboratoire. Les effets indésirables ont été recueillis durant le don, sur le site du don et jusqu’à 48 heures après le don (questionnaire concernant l’état et les effets indésirables remis au donneur avec demande de renvoi à l’aide d’une enveloppe pré-affranchie).

Les réactions ont été classées en trois catégories : léger, modéré et sévère. Cette dernière catégorie inclut : douleur thoracique, perte de connaissance de plus de 30 secondes et / ou convulsions, vomissement, incontinence, tétanie et une réaction d’une durée de récupération d’au moins 30 minutes. Toute réaction ou accident nécessitant une perfusion, des médicaments ou un traitement médical pris en charge par un praticien autre que le médecin de collecte était classé comme sévère.

De septembre 2006 à décembre 2009, 64260 dons ont été inclus répartis en 21574 dons pour le groupe contrôle, 20015 pour le groupe 66-68 ans et 22671 pour le groupe 69-71 ans. Les hommes étaient plus nombreux que les femmes (de 2,1 fois pour le groupe contrôle à 3,6 fois pour le groupe 69-71 ans). Les auteurs observent que les pressions artérielles systolique et diastolique étaient plus élevées dans la population âgée, femmes comme hommes. Le poids des donneurs diminuait significativement avec l’âge (84,9 kg pour les 69-71 ans contre 89,9 kg pour le groupe contrôle). Le nombre moyen de dons par an allait de 2,9 à 3,5 dons et le nombre total moyen de dons augmentait avec l’âge. Le taux d’ajournement s’accroissait significativement avec l’âge notamment chez les femmes âgées de 69 à 71 ans : 8,74 % contre 1,81% pour les femmes dans le groupe contrôle. Toutes réactions confondues et quelque soit le lieu, le taux de réactions indésirables était faible, à 0,63%, avec une prépondérance en dehors de lieu de collecte [373 cas (0,58%) contre 30 cas (0,05%) sur le lieu de collecte]. Les réactions en dehors du lieu de collecte étaient des réactions avec symptômes d’apparition retardée (léger hématome, fatigue). La survenue de réactions sur le lieu de collecte chez les donneurs de 69 à 71 ans était équivalente à celle des donneurs de 50 à 52 ans (0,057% contre 0,056%). Comparativement au groupe contrôle, le risque relatif d’effets indésirables était très légèrement augmenté chez les donneurs de 69 à 71 ans sur le lieu de collecte (1,0309). Pour toutes les autres situations, le risque relatif était clairement plus faible chez les donneurs âgés appartenant aux deux groupes. Les auteurs concluent que, chez les donneurs réguliers, le don de sang peut être effectué jusqu’à l’âge de 71 ans. Ils notent toutefois, qu’une extrapolation des résultats de leur étude ne peut être réalisée chez les donneurs âgés premier don. Après cette étude, l’âge limite de 71 ans a été appliqué en pratique.Un forum international vient d’aborder la question de l’ajournement des homosexuels masculins du don du sang (Benjamin et al. Deferral of males who had sex with other males. Vox Sanguinis 2011;101:339-367). Les auteurs rappellent qu’au début de l’épidémie de SIDA aux Etats Unis, les homosexuels masculins à partenaires multiples avaient été identifiés comme une des catégories de la population à haut risque d’infection. Le retrait volontaire du don du sang de ces personnes avait permis une diminution importante de la transmission du HIV par transfusion même avant la mise en place du dépistage. Après l’introduction du dépistage en 1985, la majorité des donneurs HIV positif étaient des homosexuels masculins. Ce constat avait conduit la Food and Drug Administration (FDA) à recommander l’ajournement définitif des homosexuels masculins, et ce, depuis 1977. Les auteurs ajoutent que 30 ans plus tard, les homosexuels masculins restent encore dans les catégorie de population avec la prévalence et l’incidence les plus élevées de HIV dans plusieurs pays au monde.De tous les critères d’éligibilité au don, ce critère a fait l’objet de beaucoup de controverses et de discussions publiques, opposant en particulier les avocats
homosexuels et ceux des groupes de receveurs. Les modifications possibles des critères reposent sur un débat aux dimensions multiples, incluant éthique, société et émotion. Le questionnaire proposé comportait cinq questions et 24 pays, appartenant à tous les continents, y ont répondu. Dans la plupart des pays, la politique d’ajournement est définie au niveau national.

La première question portait sur l’existence d’une politique nationale d’ajournement des homosexuels masculins, son introduction, sur la durée de l’ajournement et abordait la compatibilité de cette politique avec les comportements similaires à risque.

La seconde question analysait les critères et, plus particulièrement, l’emploi de critères basés sur les comportements à risque : nombre de partenaires, nouveaux partenaires récents, sexe occasionnel, …

La troisième question interrogeait les participants sur l’existence d’une révision récente (dans les 5 ans) des politiques et sur les modalités de cette révision : directives réglementaires ou comité consultatif, décisions ou affaires judiciaires, groupe d’intérêt, pression politique ou publique, …

La quatrième question visait à établir l’impact sur la prévalence et l’incidence du HIV chez les donneurs de sang, de modifications réalisées sur moins de cinq ans dans les politiques d’ajournement.

La dernière question tentait de savoir si les évolutions évoquées dans la quatrième question pouvaient être attribuées aux modifications de la politique ou à des changements de prévalence et d’incidence dans la population générale du pays. Il était demandé de préciser quels étaient les facteurs de risques majeurs et habituels de l’infection HIV dans la population générale et chez les donneurs de sang.

Compte tenu de l’importance du développement pour chacune des réponses obtenues, il n’est pas possible d’apporter au lecteur une synthèse courte et informative. Celui-ci est invité à se reporter à l’article, particulièrement dense, à réaliser sa propre synthèse sur ce sujet et à former sa propre opinion. L’anémie hémolytique immuno-allergique d’origine médicamenteuse est une pathologie rare mais grave. Des auteurs allemands viennent de rapporter la première étude cas-contrôles concernant cette pathologie (Garbe et al. Drug induced immune haemolytic anaemia in Berlin case-control surveillance study. British Journal of Haematology 2011;154:644-653). L’étude a porté sur la période 2000-2009. Sur 282 cas potentiels notifiés, 134 patients ont pu être inclus dans l’étude avec comme diagnostic une anémie hémolytique immune d’étiologie médicamenteuse certaine ou probable répartis en 10 cas hospitaliers et 124 en ambulatoire. L’analyse cas –contrôles a été réalisée entre les 124 patients en ambulatoire et 731 patients contrôle. Parmi les médicaments avec au moins une évaluation concluant à « probable » ou « certain » pour les cas suspectés, étaient le plus souvent impliqués : le diclofénac (14 cas), la fludarabine (6 cas), l’oxaliplatine, le ceftriaxone (anti-infectieux) et la piperacilline (anti-infectieux) avec 3 cas chacun.

Dans l’étude cas contrôles avec les patients en ambulatoire, un risque significatif a été observé avec les antibiotiques de la famille des bêtalactamases (odd ratio à 8,8), le cotrimoxazole (odd ratio à 6,5), la ciprofloxacine (odd ratio à 6,9), le lorazépam (odd ratio à 5,3) et la fludarabine (odd ratio à 22,2). Pour ce dernier médicament, l’odd ratio est particulièrement élevé.Une série de trois articles portant sur le « Transfusion-Related Acute Lung Injury » (TRALI) a été récemment publiée dans la revue Transfusion. Dans leur éditorial, (The mystery of transfusion-related acute lung injury. Transfusion 2011;51:2054-2057), Neil Blumberg, Patricia J. Sime et Richard P. Phipps évoquent les nombreuses recherches qui ont été effectuées pour établir les mécanismes en cause dans cette pathologie, mais considèrent qu’il est temps de s’intéresser à ce qui est « visible » au lit du patient, les issues cliniques.  Dans leur article (Establishing assay cutoffs for HLA antibody screening of apheresis donors. Transfusion 2011;51:2092-2101), Carrick et col. abordent le problème de la définition du seuil lors du dépistage des anticorps anti-HLA d’un double point de vue : prévention effective du risque TRALI chez le receveur, impact sur la perte de dons. Les auteurs tentent d’apporter des éléments de décision. Ils concluent que les établissements de transfusion doivent décider d’une stratégie de réduction du risque TRALI compatible avec le nombre de dons perdus qu’ils sont en mesure de tolérer.

Kleinman et col. (The leukocyte antibody prevalence study-II (LAPS-II): a retrospective cohort study of transfusion-related acute lung injury in recipients of high-plasma-volume human leukocyte antigen antibody-positive or –negative components. Transfusion 2011;51:2078-2091) montrent, dans une étude rétrospective, que l’incidence de TRALI chez les receveurs de concentrés plaquettaires et de plasma frais congelé issus de dons positif pour les anticorps anti-HLA était relativement faible pour une étude de ce type. Neuf cas de TRALI ont été diagnostiqués (7 dans le bras « produits prélevés chez des donneurs avec anticorps anti-HLA » et 2 dans le bras contrôle, « sans anticorps anti-HLA ») et 17 cas probables (9 dans le premier bras et 8 dans le second). Le risque était 3,6 fois plus élevé chez les receveurs transfusés avec des produits issus de donneurs porteurs d’anticorps anti-HLA que chez ceux transfusés avec des produits du même type, mais prélevés chez des donneurs anticorps anti-HLA négatif. Cependant, sur le plan statistique, la significativité n’était pas atteinte (p = 0,10). Cette étude est en accord avec la probabilité que le risque de TRALI diminue lorsque les produits sanguins labiles comportant un volume important de plasma utilisés en transfusion sont collectés chez des donneurs ayant un risque faible de posséder des anticorps anti-HLA.

Enfin une étude française (Ozier et al. Transfusion-related acute lung injury : reports to the French hemovigilance network 2007 through 2008. Transfusion 2011;51:2102-2110) confirme l’incidence plus faible des cas de TRALI liés à des produits sanguins riches en plasma que celle observée dans de précédentes études. Un élément intéressant est l’absence de cas de TRALI suite à la transfusion de plasma solvent / détergent ou de mélange de concentrés de plaquettes établi avec certitude.

Pierre MONCHARMONT