Dans la presse...

 

L’apparition d’anticorps irréguliers anti-érythrocytaires après transfusion de plaquettes reste un problème d’actualité, notamment lors de transfusions RH1 (D+) incompatibles. Une équipe espagnole a réalisé une étude rétrospective portant sur l’allo-immunisation anti-RH1 lors de la transfusion de concentrés de plaquettes RH1 à des receveurs RH-1 (D-) (Cid et al. Platelet transfusions from D+ donors to D- patients: a 10-year follow-up study of 1014 patients. Transfusion 2011;51:1163-1169). De janvier 1999 à décembre 2009, 1014 patients RH-1 avaient reçu 6043 concentrés de plaquettes. Les patients comptaient 615 hommes pour 399 femmes avec un âge médian de 60 ans. Du point de vue de l’allo-immunisation anti-érythrocytaire, les patients inclus ne présentaient pas d’anticorps anti-RH1 avant la première transfusion et n’avaient pas été antérieurement exposés à l’antigène RH1 dans l’établissement sur lequel a été réalisée l’étude. Parmi ces patients, 525 (52,0%) étaient immunocompétents et 489 immunodéprimés, soit en raison de pathologies hématologiques (342 cas, 34,0%) ou de tumeurs solides (147 cas, 14,0%). Les concentrés plaquettaires se répartissaient en 5352 (88%) mélanges de concentrés de plaquettes et 691(12,0%) en concentrés de plaquettes d’aphérèse. Les patients avaient reçu, soit des mélanges de concentrés de plaquettes seuls (722 cas, 71,2%), soit les deux types de produits (260 cas, 25,6%), soit des concentrés de plaquettes d’aphérèse seuls (32 cas, 3,2%). Quatre mille cinq cent cinquante deux mélanges de concentrés de plaquettes étaient RH1 (89,0%) contre 577 concentrés de plaquettes d’aphérèse (11,0%). La compatibilité ABO a été observée avec 3922 (73,0%) des mélanges de concentrés de plaquettes et 451 (65,0%) des concentrés de plaquettes d’aphérèse.

Les auteurs avaient un prélèvement sanguin pour la recherche d’anticorps irréguliers anti-érythrocytaires après la première transfusion de plaquettes RH1 chez 867 patients (85,0%). Pour 315 patients (31,1%), un prélèvement effectué 4 semaines ou plus après la transfusion de plaquettes RH1 était disponible (durée médiane de suivi de 29 semaines, fourchette 4 - 718 semaines). Soixante dix huit patients (7,7%) avaient développé des anticorps anti-érythrocytaires (50 suite à la transfusion de mélanges de concentrés de plaquettes seuls, 28 après transfusion des deux types de produits). Parmi les 1014 patients, 29 avaient développé des anticorps autres qu’anti-RH1 (2,9%) et 49 des anticorps anti-RH1(4,8%). Les auteurs observent que 37 patients (3,6%) ont présenté des anticorps anti-RH1 entre 0 et 3 semaines après la première transfusion RH1 et seulement 12 (1,2%) à 4 semaines ou au delà. Pour ces 12 patients, aucune différence significative n’a été observée du point de vue du sexe, du groupe ABO, du statut immunitaire, de l’âge, du nombre de transfusions de concentrés de plaquettes RH1, du nombre de transfusions de concentrés de plaquettes ABO incompatible, du nombre de transfusions de mélanges de concentrés de plaquettes et de plaquettes d’aphérèse et de la durée du suivi avec les 303 patients n’ayant pas été immunisés avec des plaquettes RH1 (patients « non-répondeurs »). Dix patients avec anti-RH1 (4,8%) ont été recensés parmi les 208 patients immunodéprimés et 2 avec anti-RH1 (1,9%) parmi les 107 patients immunocompétents.

Les auteurs mettent en avant plusieurs hypothèses pour expliquer l’allo-immunisation anti-RH1 constatée : volume d’hématies résiduel dans les mélanges de concentrés de plaquettes et les concentrés de plaquettes d’aphérèse, plus important dans les mélanges de concentrés de plaquettes (moyenne de 0,36 et 0,00043 mL respectivement), niveau d’immunodépression notamment. Les auteurs ont retenu un suivi d’au moins 4 semaines après la première transfusion RH1 pour éliminer les réactivations secondaires. Ils discutent le pourcentage supérieur d’allo-immunisation anti-RH1 chez les patients immunodéprimés (4,8% contre 1,9% chez les patients immunocompétents).

Ils concluent que la transfusion de plaquettes RH1 incompatibles sans immunoprophylaxie à des hommes RH-1 et des femmes RH-1 sans grossesse potentielle est une alternative raisonnable et sans danger.

L’utilisation d’immunoglobulines humaines intra-veineuses à visée immuno-modulatrice est réalisée dans de nombreuses pathologies. Chez des patientes RH-1 (D-), enceintes d’un fœtus RH1 (D+), l’emploi d’immunoglobulines anti-D a permis de prévenir la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né par allo-immunisation maternelle anti-RH1. Un cas d’immuno-suppression d’une allo-immunisation anti-Fya (FY1) et de prévention d’une maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né après administration chez la mère d’immunoglobulines anti-D vient d’être rapporté. Ce cas révèle l’existence d’un spectre d’action large de ces immunoglobulines anti-D spécifiques, intéressant des allo-immunisations anti-érythrocytaires autres que celle théoriquement ciblée, dans la situation présente, l’allo-immunisation anti-D (Branch et al. Unexpected suppression of anti-Fya and prevention of hemolytic disease of the fetus and newborn after administration of Rh immune globulin. Transfusion 2011;51:816-819).

Classiquement, le mécanisme d’action des immunoglobulines anti-D repose sur la clearance des hématies fœtales D+ circulantes chez la mère D- permettant la non stimulation du système immunitaire maternel. Un autre mécanisme serait l’immuno-suppression médiée par les anticorps. L’anticorps, après fixation sur l’antigène spécifiquement reconnu, induirait une immuno-suppression via la production de cytokines et/ou une inhibition de production d’anticorps par les lymphocytes B. L’administration d’immunoglobulines spécifiques anti-D provoque l’augmentation de deux puissants immunosuppresseurs, le « Transforming Growth Factor β1 » (TGF-β1) et la prostaglandine E2. Un de ces deux mécanismes serait en cause selon les auteurs.

La patiente a été prise en charge à la 27ème semaine de grossesse suite à l’augmentation du titre de l’anti-FY1 de 128 à la 8ème semaine à 256 à la 24ème. Un titre très élevé (4096) motivera des amniocentèses à la 28ème, 31ème et 36ème semaine de grossesse. Les amniocentèses étaient en faveur d’une anémie légère à modérée (zone 2). La patiente étant D- (RH-1), 300 μg d’immunoglobulines anti-D lui ont été administrés par voie intra-musculaire après chaque amniocentèse. Les auteurs ont observé une non augmentation du titre d’anti-FY1 et à partir de la 36ème semaine, une diminution du titre de l’anticorps anti-FY1 qui atteignait un titre de 256 à la 40ème semaine. L’enfant est né à la 40ème semaine en bonne santé avec un APGAR à 7. Son taux d’hémoglobine était à 144 g/L. Le taux des réticulocytes était à 12,5%. Le test direct à l’antiglobuline était positif (réactivité à 2 croix) et de l’anti-FY1 a été détecté dans l’éluat. L’enfant était hétérozygote, FY1/2 et RH-1 (D-). Le titre de l’anti-FY1 était à 4 dans le sérum issu du sang du cordon. Le taux maximum de bilirubine a été observé à J2 (10,2 μmol/L). L’enfant a été traité par photothérapie et a quitté l’établissement à J6.

Dans la discussion, les auteurs constatent une immunosuppression importante de la production d’anticorps anti-FY1 suite aux administrations post-amniocentèse d’immunoglobulines anti-D en l’absence d’hématies RH1 (fœtus RH-1). L’enfant ne présentera pas de maladie hémolytique grave. Les auteurs ne retiennent pas l’hypothèse d’une immunosuppression médiée par des anticorps anti-FY1 présents dans les immunoglobulines anti-D [facteur de dilution via les pools de plasma, stimulation de la production d’anti-D par des hématies matchées dans plusieurs systèmes de groupe sanguin, dont le Duffy pour prévenir des allo-immunisation dans ces systèmes (exigences de la Food and Drug Administration)].

Les auteurs notent que le contenu en IgG des immunoglobulines anti-D est similaire à celui des immunoglobulines humaines polyvalentes (50 mg/mL environ). L’immunosuppression pourrait être due à la partie non anti-D du produit qui interagirait avec des antigènes solubles. La région Fc des immunoglobulines anti-D possèderait une capacité d’interaction avec les récepteurs Fc des cellules effectrices plus importante. Ces cellules subiraient une régulation négative ou seraient stimulées pour produire des molécules immunomodulatrices telles que le TGF-β1 et la prostaglandine E2.

L’utilisation d’immunoglobulines anti-D comme prévention ou immunomodulation de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né pour des anticorps anti-érythrocytaires de spécificité autre qu’anti-D serait à considérer.

L’apparition d’une allo-immunisation anti-D (RH1) chez des patients D- transfusés avec des concentrés plaquettaires D+, sans administration associée d’immunoglobuline anti-D, est bien établie. Observant l’acquisition d’une allo-immunisation anti-RH autre qu’anti-D après transfusion de plaquettes d’aphérèse, des auteurs japonais ont tenté de déterminer la source antigènique potentielle présente dans les concentrés plaquettaires d’aphérèse (CPA) à l’origine de ce type d’allo-immunisation anti-érythrocytaire (Kitazawa et al. Non-D Rh antibodies appearing after apheresis platelet transfusion: stimulation by red cells or microparticles ? Vox Sanguinis 2011;100:395-400).

Les auteurs ont recensé trois cas d’allo-immunisation contre des antigènes du système RH autres qu’anti-D après transfusion d’un CPA : un anti-C (anti-RH2) chez une receveuse de 71 ans, un anti-E (anti-RH3) chez une receveuse de 57 ans et une association anti-E et anti-c (anti-RH3 et -RH4) chez un receveur de 73 ans. Ces trois receveurs ne présentaient pas d’allo-immunisation anti-érythrocytaire antérieure.

Par cytométrie en flux, les auteurs ont analysé, sur 50 CPA prélevés sur deux types de machines, le nombre de globules rouges résiduels et le nombre de microparticules d’origine érythrocytaire résiduelles. Ils ont effectué la même analyse sur 50 plasmas d’aphérèse prélevés sur les deux mêmes types de machines.

En ce qui concerne les hématies résiduelles, avec le premier et le deuxième type de machine, les taux moyens étaient respectivement de 7,5 et 5,2 x 106 / unité. Pour les microparticules résiduelles dérivées des globules rouges, les taux moyens observés étaient très élevés, atteignant respectivement 210,7 et 232,3 x 106 / unité. Pour les plasmas d’aphérèse avant congélation, les taux moyens de globules rouges étaient plus faibles, à 4,3 et 1,7 x 106 / unité pour le premier et le deuxième type de machine respectivement, que dans les CPA. Par contre, du point de vue des microparticules résiduelles, les taux moyens observés étaient très nettement plus faibles dans les unités de plasma d’aphérèse, à respectivement 14,0 et 22,3 x 106 / unité, que dans les CPA.

Le volume résiduel d’érythrocytes est estimé entre 0,4 et 0,8 μL et celui des microparticules (pour un diamètre supposé à 1μm) entre 0,8 et 1,0 μL dans les CPA. Bien que de volume comparable aux érythrocytes résiduels, du fait de leur faible taille et de leur plus grand nombre, les microparticules dérivées des érythrocytes seraient, selon les auteurs, plus immunogènes que les érythrocytes eux mêmes. Les microparticules seraient plus facilement phagocytées par les cellules présentant l’antigène du receveur.

Une revue sur l’infection aiguë par le virus de l’immunodéficience humaine (HIV) a été récemment publiée (Cohen et al. Acute HIV-1 infection. New England Journal of Medicine 2011;364:1943-1954). Partant de l’événement contaminant initial, incluant la prolifération très précoce du virus au niveau local, les auteurs abordent les différents mécanismes d’immunités innée et acquise qui entrent en jeu. Un paragraphe est consacré à la détection de l’infection aiguë et, en particulier, à la biologie moléculaire et aux tests ELISA de quatrième génération qui dépistent à la fois les anticorps anti-HIV et l’antigène P24. Les auteurs signalent que la mise en route de ces tests se traduira par une augmentation importante du nombre de patients qui devront être pris en charge pour une infection HIV aiguë.

Les conséquences sur le plan de la santé publique sont exposées avec notamment le risque de transmission plus élevé en phase aiguë (charge virale, homogénéité des variants viraux) qu’en phase chronique. Le rôle du comportement sexuel est souligné.

La prévention est abordée sous plusieurs angles notamment la prévention immédiatement après l’événement contaminant. Enfin, les auteurs apportent des éléments pour la prise en charge de l’infection aiguë : problème du délai événement infectant / prise en charge au regard de l’efficacité thérapeutique, rôle de la thérapeutique anti-rétrovirale dans cette situation,…

Pierre MONCHARMONT