Dans la presse...
 

La prévention de l’alloimmunisation anti-D (anti-RH1) en cours de grossesse par administration d’immunoglobulines humaines spécifiques anti-D a significativement évolué ces dernières années. Cependant, la migration de populations issues de pays où les standards en matière de santé sont plus bas que ceux de pays plus développés et où des réductions substancielles des dépenses de santé ont été réalisées a entraîné une augmentation de l’incidence de l’alloimmunisation anti-D dans les pays développés Un forum international vient de s’intéresser au suivi et au traitement de cette alloimmunisation (Bettelheim et al. Monitoring and treatment of anti-D in pregnancy, Vox Sanguinis 2010;99:177-192). Ce forum est particulièrement intéressant, de nombreuses informations étant présentées.

Douze centres ont répondu à un panel de dix questions très détaillées.

La première question portait sur l’utilisation du groupage RH (D) fœtal à partir sang maternel (typage par biologie moléculaire) et sur le moment de sa réalisation en cours de grossesse. La seconde s’intéressait au titrage de l’anticorps anti-D : quelle technique ? A quelle fréquence au fur et à mesure de la progression de la grossesse ?

La troisième question abordait les examens non invasifs utilisables pour apprécier l’état clinique du fœtus et la quatrième, le seuil à partir duquel des investigations plus importante étaient entreprises : seuil de réalisation de la mesure du pic systolique de vélocité de l‘artère cérébrale moyenne ? Fréquence de ces explorations ? Seuils d’exécution du prélèvement de sang fœtal in utero ? A quel moment de la grossesse ?

Lors d’une transfusion in utero, la mesure d’hématocrite fœtal, est-elle réalisée avant et après l’acte ? Comment est estimé le volume de sang nécessaire ? (cinquième question).

La sixième question soulevait le problème de l’utilisation des immunoglobulines humaines intraveineuses comme moyen de différer des transfusions. En particulier, à quel âge gestationnel commencer ? Pour les perfusions, à quelle dose et à quelle fréquence ? Jusqu’à quand durant la grossesse ?

En dehors de la voie ombilicale, d’autres voies d’abord peuvent être utilisées : transfusion intra-péritonéale, transfusion intra-cardiaque. La septième question interrogeait les participants sur ce point technique.

La huitième question portait sur la nature des paramètres employés pour décider de transfusions ultérieures au cours d’une même grossesse en incluant la manière dont est déterminé l’intervalle pour le prélèvement de sang in utero/transfusion suivant.

Quel âge gestationnel justifie un prélèvement de sang fœtal et une transfusion supplémentaire plutôt qu’un accouchement ? La neuvième question soulevait en outre le problème de la voie d’accouchement : voie basse ou césarienne ?

Enfin, la dixième question s’intéressait aux concentrés érythrocytaires employés lors d’une transfusion in utero et une exsanguino-transfusion du point de vue de l’âge maximum de ce produit.

Les réponses sont variées et de nombreuses informations fournies par les participants. Quelques exemples. Seulement 50% des centres participants utilisent le groupage fœtal par biologie moléculaire. La fréquence des titrages d’anti-D est d’une fois toutes les quatre semaines au cours des premier et deuxième trimestres de grossesse, puis bi-mensuel au delà. Le titre de 16 constitue un seuil pour un suivi plus important. La technique de titrage la plus utilisée est le test à l’antiglobuline humaine. Deux centres réalisent l’ « antibody-dependent cell cytotoxicity » (ADCC),… La lecture des réponses de chaque centre apporte des compléments d’information pertinents.

Les études de l’efficacité des transfusions de plaquettes portent très fréquemment sur des cohortes de patients atteints d’hémopathies malignes ou d’autres cancers. A partir de données collectées dans les années 90, une équipe canadienne s’est intéressée aux transfusions plaquettaires réalisées chez des patients ne présentant pas ce type de pathologie en distinguant les transfusions ABO compatible et incompatible (Pavenski et al. Posttransfusion platelet count increments after ABO-compatible versus ABO-incompatible platelet transfusions in noncancer patients: an observational study. Transfusion 2010 ;50:1552-60).

D’avril 1993 à juin 1997, les auteurs ont recueilli les données de 1106 transfusions plaquettaires dont seulement 1030 ont été exploitables. Ces 1030 transfusions correspondaient à 5746 unités de plaquettes. L’âge médian des patients était de 65 ans et 67,1% étaient des hommes. Plus de la moitié des patients (62,5%) transfusés étaient en chirurgie cardiaque.

Des plaquettes poolées ont été utilisées dans 1027 transfusions (99,7%). Quatre cent quatre vingt dix sept transfusions étaient ABO identique (48,3%), 262 présentaient une incompatibilité ABO mineure (25,4%) (produit plaquettaire contenant des anticorps anti-A ou anti-B) et 271 une incompatibilité majeure (26,3%) (patients porteurs d’anticorps anti-A et/ou anti-B dirigés contre les antigènes A et/ou B des plaquettes du donneur). L’étude a été réalisée avant l’introduction de la déleucocytation (en 1998 au Canada).

Sur 1030 transfusions, la médiane de l’augmentation du nombre absolu de plaquettes (nombre de plaquettes après transfusion – nombre de plaquettes avant transfusion) était de 34 et, sur 686 transfusions, le CCI (corrected count increment) était de 17,8. Ces valeurs étaient les mêmes pour le groupe transfusions ABO identique et le groupe transfusions avec incompatibilité ABO mineure.

La médiane de l’augmentation du nombre absolu de plaquettes était à 35 pour les transfusions ABO identique et à 31 pour celles avec incompatibilité majeure, différence non significative. Par contre, la différence était significative pour le CCI à 18,6 pour les transfusions ABO identique contre 15,2 pour les transfusions avec incompatibilité ABO majeure.

La recherche de l’influence de plusieurs facteurs a été réalisée. Les sept facteurs retenus étaient : le sexe, l’âge et la surface corporelle du receveur, la compatibilité, l’âge du produit plaquettaire, le nombre d’unités transfusées et le temps écoulé entre la transfusion et le moment du prélèvement pour le contrôle.

En appliquant une analyse uni-variée, le sexe du patient, la surface corporelle, la compatibilité, l’âge du produit plaquettaire, le nombre d’unités transfusées et le temps écoulé entre la transfusion et le moment du prélèvement pour le contrôle étaient des facteurs significatifs. L’âge du patient ne l’était pas. En analyse multi-variée, seuls le sexe et l’âge du receveur n’étaient pas significatifs.

L’utilisation de plaquettes ABO identique augmentait de 3 points le CCI par rapport aux plaquettes avec incompatibilité ABO majeure. Il existait de plus un lien entre l’augmentation du nombre absolu de plaquettes et le CCI avec le diagnostic de la pathologie. Les valeurs les plus hautes étaient observées chez les patients en chirurgie vasculaire, cardiaque et orthopédique, les plus faibles en médecine, chez les brûlés, en neurochirurgie et en chirurgie générale.

Les deux facteurs qui restaient constamment significatifs dans les deux modèles étaient la compatibilité ABO et l’âge du produit.

Les auteurs mettent en avant deux points forts et deux limites à leur étude.

Parmi les points forts, la taille de l’échantillon et les patients étudiés (patients non traités pour des pathologies hématologiques ou carcinologiques).

Pour la partie limites, ils notent que le travail rapporté est un travail d’observation, sans randomisation (problème de biais) et que les données sont anciennes (changements technologiques intervenus : déleucocytation, technique du buffy coat). La deuxième limite, et peut être la plus importante, porte sur le fait que seules des données biologiques ont été étudiées et non des données cliniques. Ils ne peuvent ainsi pas répondre à la question suivante : l’augmentation du nombre absolu de plaquettes et de CCI observée avec les transfusions de plaquettes ABO identique par rapport aux transfusions avec incompatibilité ABO majeure a-t-elle un impact clinique significatif ?

L’utilisation de plaquettes ABO compatible entraîne une augmentation post-transfusionnelle d’environ 20% par rapport à l’emploi de plaquettes ABO incompatible.

Les réactions allergiques représentent une proportion importante des effets indésirables observés chez les receveurs de produits sanguins labiles. Parallèlement, le déficit en IgA est le plus fréquent des déficits immunitaires avec une prévalence de l’ordre de 1 cas pour 500 sujets. Certains porteurs de ce déficit synthétisent des anticorps anti-IgA qui peuvent être responsables d’accidents allergiques sévères. Une équipe canadienne vient de réaliser une approche très originale pour tenter d’apprécier le risque transfusionnel potentiel de l’administration de produits sanguins labiles issus de dons effectués par des sujets porteur d’un déficit en IgA méconnu (Robitaille et al. Allergic transfusion reactions from blood components donated by IgA-deficient donors with and without anti-IgA: a comparative retrospective study. Vox Sanguinis 2010;99:136-41). De décembre 1999 à décembre 2004, 323 produits sanguins prélevés chez des donneurs déficitaires en IgA avec ou sans anticorps anti-IgA ont été délivrés à 55 établissements de soins. Quarante huit établissements ont accepté de participer à l’étude représentant 315 produits (97,5%). Les données médicales ont pu être recueillies chez 272 receveurs.

Les auteurs ont comparé l’incidence des réactions allergiques chez les receveurs ayant reçu des produits sanguins prélevés chez des donneurs déficitaires en IgA avec ou sans anticorps anti-IgA. Une réaction allergique mineure chez un receveur était définie sur la base de l’existence de signes cutanéo-muqueux et de symptômes tels que rash morbilliforme avec prurit, urticaire, angio-œdème localisé, œdème des lèvres, de la langue et de la luette, prurit peri-orbitaire, érythème et œdème, œdème conjonctival. Une réaction majeure incluait l’existence des signes précédents auxquels s’ajoutait une hypotension ou une atteinte du tractus respiratoire (larynx ou poumon).

Les 323 produits avaient été prélevés chez 71 donneurs dont 40 (56,3%) avaient des anticorps anti-IgA. Les 272 produits dont le suivi et les données médicales ont pu être recueillies provenaient de ces 71 donneurs. Ils ont été transfusés à 139 femmes et 133 hommes. Aucun des receveurs n’était porteur d’un déficit en IgA.

Dans 9 cas, des manifestations cliniques susceptibles d’être d’origine transfusionnelle ont été observées. Six cas ont été considéré comme imputables à la transfusion. Deux réactions allergiques mineures ont été observées dans chacun des deux groupes définis (receveur de produit issu d’un donneur avec anti-IgA versus donneur sans IgA), soit quatre au total. Les deux dernières étaient une surcharge volémique et une réaction d’étiologie indéterminée. Elles concernaient des produits collectés chez des donneurs sans anticorps anti-IgA. La grande majorité des patients (97,8%) n’avait pas présenté de réaction transfusionnelle.

En pratique, deux points sont intéressants à retenir : pas de réaction lors de transfusion en pédiatrie, pas de réaction allergique majeure. Enfin la différence entre les deux groupes n’est pas significative.

Les auteurs concluent que la présence d’anticorps anti-IgA dans le produit sanguin labile prélevé chez un donneur déficitaire en IgA n’augmente pas le risque de réaction allergique chez le receveur. Bien que la cohorte comprenne un nombre important de donneurs et de produits, les auteurs constatent que l’effectif demeure insuffisant sur le plan de la puissance en matière statistique.

 

Pierre MONCHARMONT