Actualités et perspectives

 

La détection et l’ajournement des donneurs de sang de retour d’une zone d’endémie palustre demeurent des éléments importants pour la sécurité du receveur, notamment en raison de la multiplication des voyages internationaux. Un travail portant sur le risque de paludisme chez les donneurs de sang ajournés suite à un voyage en zone d’endémie palustre vient d’être publié par une équipe américaine (Spencer et al. Risk for malaria in United States donors deferred for travel to malaria-endemic areas. Transfusion, 2009;49:2335-45). Un des intérêts de ce travail est représenté par le fait qu’aux Etats-Unis, il n’existe pas de test de dépistage du paludisme approuvé par la Food and Drug Administration (F.D.A.). L’ajournement des donneurs passe donc par un entretien pré-don bien mené et l’application stricte des règles.

Les règles imposées par la F.D.A. et reprises par l’American Association of Blood Banks sont les suivantes : Ajournement d’un an pour les voyageurs en zone d’endémie palustre, ajournement de trois ans pour les anciens résidents en zone d’endémie et les donneurs faisant état d’antécédents d’infection palustre.

Le nombre absolu de donneurs éliminés annuellement en appliquant ces règles est estimé à 150 000. Les auteurs signalent également que les donneurs ainsi ajournés temporairement reviennent moins fréquemment donner, cette conduite impactant sur la disponibilité des produits sanguins.
 
Les objectifs de l’étude réalisée sont d’estimer le risque de paludisme chez les personnes se présentant au don en appliquant les recommandations habituelles ou des hypothèses alternatives d’ajournement après voyage.

Six centres de transfusions, représentatifs de populations variées, tant géographiquement que démographiquement, et collectant annuellement plus de 8 % des dons sur le territoire américain ont participé à cette étude. L’estimation des ajournements annuels de donneurs pour voyage à risque de paludisme dans différentes régions et l’estimation de risque de paludisme pour les voyageurs américains selon les zones visitées ont été établies. Les auteurs ont complété leur étude en estimant le risque résiduel chez les donneurs et le nombre d’infections évitées par l’ajournement.

En 2006, les six centres de transfusion ont rapporté 13 007 ajournements pour voyage dans une zone d’endémie palustre soit, 10,2 pour 1000 dons. Les auteurs ont observé, sur 2108 ajournements inclus dans cette analyse, que la majorité des donneurs avaient voyagé dans des zone à faible risque (Mexique, 41 % des ajournements, Caraïbes et Amérique Centrale pour 13 et 22 % des ajournement respectivement). Pour l’Afrique et sur les zones de forte endémicité, seuls 3,7 % des ajournements étaient concernés. Aucun ajournement n’a été effectué sur l’Océanie.

Un donneur contribue, en moyenne, à 1,7 don par an. La perte était ainsi de 100 000 dons pour les voyageurs au Mexique contre 9500 pour les voyageurs d’Afrique dans les régions à haut risque.

Les taux d’ajournements étaient très variables d’un centre à un autre (de 10 à 32 %). Le risque d’infection palustre des voyageurs américains est estimé 1100 fois supérieur après un voyage en Afrique comparativement à un voyage en zone impaludée au Mexique.

La probabilité qu’une infection ne soit pas détectée chez un donneur dépend du risque d’acquérir cette infection mais elle est également en rapport inverse avec le délai après le retour. Les infections à Plasmodium falciparum se développent rapidement (90 % des sujets débutent leurs symptômes dans le mois du retour contre seulement 1 % dans les trois mois). Ainsi, le risque d’infection estimé dans l’année qui suit le retour était de 1 pour 109 000 voyageurs revenant d’une zone d’endémie africaine contre 1 pour 33 000 000 si le donneur était de retour du Mexique. En appliquant les règles habituelles et en partant sur une estimation de 0,16 donneur pouvant être porteur d’une infection sans symptôme dans les 12 mois du retour, le risque résiduel de prélever un don infecté était de un tous les 6 ans. Si la durée d’ajournement était réduite de 12 à 3 mois, le risque résiduel estimé s’accroîtait d’un facteur 10, à 1,65 don par an. Sans modification des modèles de retour, 59 235 donneurs se présentant dans la période de 3 mois resteraient toujours ajournés. Cette attitude permettrait de « re-qualifier » 90 000 donneurs. En incluant seulement le Mexique où le risque d’infection est marginal (0,018, soit une unité tous les 57 ans), 56 700 unités seraient ainsi « récupérées » annuellement.

Dans la discussion, les auteurs notent que leurs données montrent, que si les voyageurs au Mexique avaient un risque d’infection 3 fois moindre que ceux Afrique, ils sont plus de 10 fois représentés dans tous les ajournements.

Ils soulèvent au moins trois limites à leur étude : seuls six centres de transfusion ont participé (problème de représentativité), modifications possibles de la population se présentant au don lors de l’introduction de nouvelles règles d’ajournement, données passées ne reflétant pas les profils futurs de risque pour le paludisme. Les auteurs considèrent que des changements de règles seraient à réaliser notamment une réduction de la période d’ajournement de 12 à 3 mois après le retour et en particulier pour les voyageurs au Mexique.

Prévenir l’hémorragie par l’utilisation de la transfusion de plaquettes à la dose optimale reste l’objet de controverses en pratique courante. Un équipe américaine a tenté, sur une cohorte importante de patients, de déterminer la dose de plaquettes permettant d’obtenir un effet prophylactique sur le risque hémorragique (Slichter et al. Dose of prophylactic platelet transfusions and prevention of hemorrhage. New England Journal of Medicine 2010;362:600-13). Les auteurs ont recruté des patients de tous âges, hospitalisés pour transplantation de cellules souches hématopoiétiques ou chimiothérapie dans des cancers hématologiques ou des tumeurs solides. Des critères d’inclusion ont été définis en particulier, une numération de plaquettes attendue inférieure ou égale à 10 x 109/L pendant 5 jours ou plus et l’absence de transfusion de plaquettes antérieure durant la période actuelle d’hospitalisation.

Parmi les critères d’exclusion, ont été retenu un saignement de grade 2 ou plus selon les critères de l’Organisation Mondiale de la Santé, un état réfractaire dans les 30 jours précédents, un purpura thrombopénique trombopathique, un syndrome hémolytique urémique…

La dose de plaquettes a été calculée par m2 de surface corporelle. Les patients ont été randomisés pour 3 doses par m2 : 1,1 x 1011 (faible),  2,2 x 1011 (moyenne) et 4,4 x 1011 (forte). Une dose a été assignée pour chaque patient, dans chaque service avec une fourchette admise de +/- 25 %. Les plaquettes transfusées étaient soit des plaquettes d’aphérèse (une partie d’une unité, une unité ou plusieurs unités) ou des plaquettes de concentrés standard. Les plaquettes étaient déleucocytées par filtration. A la fin de chaque transfusion, une numération des plaquettes a été réalisée.

Les plaquettes ont été transfusées à titre prophylactique si la numération de plaquettes effectuée le matin était égale ou inférieure à 10 x 109/L. Les patients ont été suivi cliniquement et biologiquement (numération de plaquettes, hématocrite et taux d’hémoglobine quotidiens). Sur le plan clinique, le critère primaire d’efficacité était la survenue d’une hémorragie de grade 2 ou plus. Les effets indésirables ont été recensés. L’étude était considérée comme terminée soit 30 jours après la première transfusion, soit après une période de 10 jours sans transfusion de plaquettes, soit à la sortie de l’hôpital, soit au décès, soit au retrait de l’étude.

Pour l’étude statistique, les auteurs ont pris soin de définir la taille minimale des cohorte afin d’obtenir une puissance statistique suffisante (85 %).

Entre 2004 et 2007, 1351 patients ont été inclus dans 26 sites différents. La dose d’attaque était connue pour 1162 patients correspondant à 5384 transfusions. L’adéquation de dose existait dans 86 % des cas pour la dose faible, 98 % des cas pour la dose moyenne et 93 % pour la dose élevée. Les cliniciens ont modifié la dose pour des motifs cliniques dans 17 % des cas avec la dose faible, 9 % des cas pour la dose moyenne et 7 % des cas pour la dose élevée. 

Le seuil de déclenchement de 10 x 109/L adhérait aux doses faible, moyenne et forte à 90, 92 et 94 % des patients par journée respectivement et aux dose faible, moyenne et forte à 53, 62 et 61 % des patients sur tous les jours étudiés.

Chez 1272 patients ayant reçu au moins une transfusion de plaquettes, les pourcentage de patients ayant présenté un épisode de saignement de grade 2 ou plus ne montraient pas de différence statistiquement significative (71 % pour la dose faible, 69 % pour la dose moyenne et 70 % pour la dose forte).

Sur l’ensemble des patients, le grade le plus élevé observé allait de, pas de saignement ou un saignement de grade 1 dans 31 % des cas, un saignement de grade 2 dans 59 % des cas, de grade 3 dans 8 % des cas et de grade 4 dans 2% des cas.

Le nombre moyen de plaquettes transfusées était de 9,25 x 1011, 11,25 x 1011 et 19,63 x 1011 pour les faible, moyenne et forte doses respectivement. Le nombre moyen de plaquettes transfusées était plus faible avec la faible dose en préventif. Par contre, le nombre moyen de transfusions administrées était plus élevé chez les patients avec la faible dose en préventif (5 transfusions) que chez les patients avec la dose moyenne ou élevée en préventif (3 transfusions dans les deux cas).

Selon la dose préventive administrée, il existe une différence significative pour la numération plaquettaire moyenne post-transfusionnelle, l’augmentation moyenne du nombre de plaquettes après transfusion et le nombre moyen de jours après la transfusion suivante. Enfin, il n’a pas été observé de différence significative selon les doses préventives pour les effets indésirables. Le nombre de décès ne différait pas significativement entre les trois groupes.

L’intérêt de cette étude réalisée sur une cohorte importante montre qu’une faible dose de plaquettes est efficace en prévention du risque hémorragique. L’application des résultats de cette étude devrait permettre d’économiser des concentrés de plaquettes tout en restant efficace. Toutefois, les auteurs ont montré que l’utilisation d’une faible dose en préventif s’accompagne d’un nombre total de transfusion de plaquettes plus élevé (cinq contre trois avec les doses moyenne et forte).

Une récente revue s’intéresse aux thérapeutiques utilisant les cellules souches hématopoiétiques dans les maladies autoimmunes sévères (Snowden et al. Clinical stem cell therapies for severe autoimmune diseases. Transfusion Medicine, 2009;19:223-34). L’amélioration de la sûreté des cellules souches hématopoiétiques du point de vue clinique a permis, dans les dernières années, l’augmentation des traitements expérimentaux dans les maladies autoimmunes sévères et résistantes. Une stabilisation ou une réversibilité de l’atteinte des organes a pu être observée avec ces thérapeutiques grâce aux profondes modifications biologiques induites par de telles cellules. L’emploi de cellules souches hématopoiétiques autologues et allogèniques est détaillé. Enfin, dans un dernier chapitre, sont abordés les défis, les orientations futures et la recherche émergente.

 

Pierre MONCHARMONT