Actualités et perspectives

 

La présence d’une incompatibilité foeto-maternelle et la découverte, chez la mère, d’alloanticorps anti-plaquettes spécifiques dirigés contre un ou plusieurs antigènes du père transmis au fœtus sont des éléments fondamentaux pour établir le diagnostic de thrombopénie fœtale et néonatale (TFNN). En dehors des cas concernant les anticorps les plus couramment responsables d’une telle pathologie, se pose le problème de l’existence d’une incompatibilité foeto-maternelle avec alloimmunisation dans les cas pour lesquels la recherche d’anticorps anti-plaquettes spécifiques demeure négative. Lors d’une demande de recherche d’anticorps anti-plaquettes spécifiques effectuée pour diagnostic de TFNN, la détection de tels anticorps n’est effective que dans approximativement 20 % des cas.

Ghevaert et collaborateurs viennent de rapporter une étude portant sur 1054 cas où une exploration en vue d’un diagnostic de thrombopénie foeto-maternelle avait été demandée (Ghevaert et al. Alloantibodies against low-frequency human platelet antigens do not account for significant proportion of cases of fetomaternal alloimmune thrombocytopenia : evidence from 1054 cases. Transfusion 2009;49:2084-2089). Quatre laboratoires européens ont regroupé leurs échantillons collectés sur dix années pour cette étude: 446 en Grande Bretagne, 358 aux Pays Bas, 150 en Allemagne et 100 en Finlande. Deux cent vingt trois échantillons comportaient des anticorps appartenant aux spécificités les plus fréquemment impliquées dans la TFNN. Au sein de la population caucasienne, la répartition en fréquence est la suivante : HPA-1a, -5b pour 95 % des cas, systèmes HPA-2, -3 et -15 pour les 5 % restants. Douze allèles de basse fréquence ont été découverts dans le cadre de TFNN : 9 sont portés par le gène ITGB3 (HPA-4b, -6bw, -7bw, -8bw, -10bw, -11bw, -14bw, -16bw et -17bw) et 3 par les gènes ITGA2 (HPA-13bw), ITGA2B (HPA-9bw) et GP1BB (HPA-12bw) respectivement. Le génotypage de l’ADN paternel a été réalisé avec la technique TaqMan et sur 12 « Single Nucleotid Polymorphisms » (SNP). Les hétérozygotes potentiels ont été contrôlés par séquençage. Les sérums maternels pour lesquels le conjoint a été trouvé hétérozygote pour un antigène porté par une sous unité de la β3 intégrine ont été testés avec une technique ELISA utilisant des peptides recombinants solubles de la β3 intégrine.

Après génotypage, huit échantillons paternels ont été détectés hétérozygotes : 4 pour l’allèle HPA-6bw, 1 pour le HPA-10bw, un pour le HPA-11bw et 2 pour le HPA-12bw. Dans un cas d’HPA-6bw, une mort in utero avec hémorragie intracrânienne est survenue à 30 semaines de gestation. Cinq enfants sont nés avec une thrombopénie sévère, inférieure à 50x109/L (deux cas avec allèle HPA-6bw, 2 cas avec allèle HPA-12bw et un avec allèle HPA-11bw). Le test de cross-match entre le sérum maternel et les plaquettes du conjoint a été détecté positif dans 4 cas (deux cas avec allèle HPA-6bw, un cas avec allèle HPA-10bw et un cas avec allèle HPA-12bw). Enfin, la présence d’anticorps anti-plaquettes spécifiques maternels a été mise en évidence dans deux cas, un avec l’allèle HPA-6bw et un avec l’allèle HPA-10bw.

Cette étude montre la rareté des cas de TFNN liés à des allèle de basse fréquence. Les auteurs notent que leur étude confirme l’absence de l’allèle HPA-4b dans la population caucasienne. De plus, 3 des quatre cas avec allèle HPA-6bw sont issus de la population finnoise. Sur le plan de la prévalence, les auteurs signalent que l’allèle HPA-9bw devancerait les allèles de basse fréquence testés dans les cas de TFNN. Ils remarquent également que la mise à disposition des plaquettes paternelles pour un test de cross-match n’est effective que dans approximativement 50 % des cas. Si les critères diagnostiques (thrombopénie chez le nouveau-né, suspicion clinique de TFNN) pour adresser un échantillon à un laboratoire spécialisé sont appliqués correctement, la recherche d’une alloimmunisation maternelle pour un allèle de basse fréquence lorsque des résultats négatifs sont observés avec les anticorps communément impliqués fait encore débat.

L’intérêt de cette étude est de montrer que de nombreuses TFNN demeurent inexpliquées du point de vue de l’alloimmunisation maternelle anti-plaquettaire spécifique du fait du très petit nombre de cas dus à des allèles plaquettaires rares lorsque les anticorps habituellement en cause ne sont pas détectés.

La connaissance des pratiques transfusionnelles de différents pays est généralement riche d’enseignement, à la fois pour comprendre l’organisation du réseau transfusionnel, connaître la législation en vigueur, comparer ses propres pratiques, définir de nouveaux axes et objectifs pour les rendre plus performantes.
Une étude comparant deux périodes de surveillance portant sur les incompatibilités ABO au Japon confirme que la mauvaise identification du malade reste la cause principale de ces incompatibilités (Fujii et al. Consecutive national surveys of ABO-incompatible blood transfusion in Japan. Vox sanguinis 2009;97:240-246).

Les auteurs ont adressé un questionnaire anonyme à 777 hôpitaux de janvier 1995 à décembre 1999 et à 1355 hôpitaux de janvier 2000 à décembre 2004. Sur la première période, ils se sont intéressés aux incompatibilités ABO touchant le sang total, les concentrés érythrocytaires et le plasma frais congelé. Sur la seconde période, les concentrés plaquettaires ont été inclus.

Le taux de réponse a été plus élevé sur la première période (74,4 %) que sur la seconde (61,2 %) en dépit du nombre plus important d’hôpitaux ciblés. Les 578 hôpitaux participants sur la première période ont rapporté 166 cas d’incompatibilité et les 829 de la seconde seulement 60 cas. Le nombre de décès sur la période 1995-1999 était de 9, presque équivalent à celui de la période 2000-2004 avec 8 cas. Dans 9 de ces 17 cas, une maladie sous-jacente pourrait également être impliquée dans l’issue fatale. Néanmoins, les auteurs notent que dans 6 des 8 autres cas avec décès, liés de façon certaine à une transfusion ABO incompatible, les patients étaient de groupe O. Sur la seconde période, le risque de transfusion incompatible ABO était de 1 sur 200 000 et de décès de 1 sur 3 000 000. 

La cause majeure d’incompatibilité ABO était la mauvaise identification produit sanguin/patient avec 55 % des cas (91 sur les 166 cas rapportés) sur la première période contre 45 % (27 sur les 60 cas rapportés) sur la seconde. Les incompatibilités majeures pour les concentrés érythrocytaires étaient respectivement de 36 et 14 cas. L’erreur de contrôle survenait dans 13 % des cas sur la première période et 17 % des cas sur la seconde. Enfin, l’erreur de prescription avec un groupe ABO erroné du patient transmis au laboratoire représentait 11 % des cas sur la première période et 13 % des cas sur la seconde. Des erreurs étaient également observées lorsque le laboratoire fonctionnait en dehors des heures habituelles.

Dans la discussion, les auteurs signalent que leur étude a porté sur des hôpitaux responsables d’environ 80% des produits transfusés au Japon. Quatre vingt pour cent des erreurs ABO sont imputables à l’hôpital et 20 % au laboratoire. Un manuel de procédures standardisées de transfusion a été introduit après le première période. Le nombre d’erreurs d’identification recensées sur la seconde période représente environ 30 % de l’ensemble des mêmes erreurs sur la première période, ceci en dépit du plus grand nombre d’hôpitaux inclus sur la seconde.

L’erreur d’identification au lit du patient reste néanmoins la cause principale d’incompatibilité ABO.

La demande de produits sanguins augmente d’année en année en raison de besoins plus importants liés notamment au vieillissement de la population. Fidéliser les donneurs et recruter de nouveaux donneurs constituent des enjeux majeurs pour assurer l’autosuffisance et l’adéquation produit sanguin/patient. Comprendre la psychologie du donneur et connaître ses caractéristiques socio-économiques pour parvenir à ces objectifs est une première étape dans la conception d’une stratégie adaptée au recrutement au don et à la fidélisation des donneurs. Veldhuizen et collaborateurs ont étudié l’influence des facteurs démographiques sur la carrière du donneur en comparant plus particulièrement donneur actif et inactif, donneur régulier et occasionnel (Veldhuizen et al. Donor profiles : demographic factors and their influence on the donor career. Vox Sanguinis 2009;97:129-138).

Du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2005, 370 470 donneurs de sang total néerlandais ont été enregistrés. Sur les 30 493 donneurs ayant arrêté de donner, 18 994, soit 62,3 %, l’avaient fait à leur propre demande et 6 727, soit 22,1 %, pour raison médicale. Très peu, 834 (2,7 %) avaient arrêté par atteinte de la limite d’âge (celle-ci est fixée à 70 ans aux Pays Bas). Pour les donneurs restants, aucun motif particulier d’abandon n’avait pu être noté.

Sur un plan général, les femmes et les hommes étaient également représentés, avec des donneurs mâles plus âgés et ayant un nombre de dons plus élevés. La comparaison donneur actif/ donneur ayant arrêté apporte des informations intéressantes. Un âge plus élevé, à partir de 25 ans, réduisait significativement la probabilité d’un arrêt du don. Les hommes arrêtaient moins souvent que les femmes. Il en était de même lorsque le nombre de don s’accroissait. Les auteurs avaient inclus dans leur étude le paramètre « nombre d’invitations au don reçues ». Recevoir plusieurs invitations dans l’année (ici 2004) avait un effet positif, mais cet effet n’était plus vrai au delà de cinq. Ne pas appartenir au groupe O rhésus négatif accroissait le risque de démission.

Sur le plan des facteurs socio-économiques, avoir des revenus élevés et une résidence de valeur diminuait quelque peu la probabilité d’arrêter de donner. Un voisinage multi-ethnique (plus de 40 % de la population d’ethnies différentes) l’augmentait. En matière d’urbanisation, résider dans une zone urbaine (plus de 2500 résidents par km2) accroissait le risque de cessation du don par rapport à une zone rurale (moins de 500 résidents par km2).

Les mêmes résultats ont été observés en prenant comme paramètre d’analyse le nombre d’invitation au don reçues.

Du point de vue fréquence du don, les donneurs réguliers étaient plus souvent des hommes (75 % contre 34 % pour les donneurs occasionnels). Des résultats similaires à ceux de la première partie de l’étude étaient observés : plusieurs invitations au don reçues, groupe O rhésus négatif, âge plus élevé, valeur de la résidence plus élevée étaient des facteurs qui favorisaient le don régulier ; De hauts revenus et un voisinage comportant moins de 5 % de diversité ethnique également. Enfin, résider dans une zone urbanisée diminuait la probabilité d’être donneur régulier. Mais cette liaison donnait un résultat inverse après ajustement avec le sexe et l’âge.

Cette étude qui aborde les aspects socio-économiques en liaison avec le don du sang montre que la comparaison donneur actif/inactif, donneur régulier/donneur occasionnel révèle des points communs qui favorisent la participation au don et sa régularité. Un point intéressant est l’apport d’informations sur l’impact de l’invitation au don du sang et profil du donneur. Ces éléments constituent une base pour la mise en place de politiques efficaces de recrutement et de fidélisation des donneurs de sang.

 

Pierre MONCHARMONT