Actualités et perspectives

 

Dans la presse…

Pierre MONCHARMONT

 

Les progrès accomplis dans le domaine du dépistage des infections virales chez les donneurs de sang avec un risque résiduel de transmission par transfusion devenu extrêmement faible a mis en lumière l’existence d’infections transfusionnelles par de nouveaux agents (virus de West Nile, virus Chikungunya par exemple). Les modes particuliers de contamination humaine par ces agents, la symptomatologie clinique qui peut être inexistante ou très minime, la rareté des cas d’infection pour certains, l’absence de test de diagnostic utilisable en dépistage de masse rendent le détection de tels agents très difficile au niveau du donneur. Un cas de transmission transfusionnelle d’Anaplasma phagocytophilum bien documenté vient d’être rapporté par une équipe américaine du Minnesota (Anaplasma phagocytophilum transmitted through blood transfusion-Minnesota 2007. Morbidity and Mortality Weekly Report 2008, 57 : 1145-1148). Cet agent bactérien GRAM négatif est un contaminant intracellulaire obligatoire des polynucléaires neutrophiles. Il est responsable d’ehrlichiosis granulocytaire chez l’homme et est transmis par une tique (Rickettsie).

Un patient âgé de 68 ans, porteur d’une polypathologie (insuffisance rénale chronique, arthrite psoriasique, spondylarthrite ankylosante) et traité par corticothérapie a été opéré pour une prothèse de genou et synovectomie. Quelques heures après l’intervention, il a présenté une hémorragie au niveau du site opératoire associée à une coagulopathie. Deux interventions ont été nécessaires pour évacuer l’hématome du genou accompagnées d’une embolisation de l’artère poplitée et de la transfusion de multiples produits sanguins (34 concentrés érythrocytaires non déleucocytés, 4 concentrés plaquettaires d’aphérèse déleucocytés, 14 unités de plasma frais congelé et 7 unités de cryoprécipité). A J7, il a présenté une infection avec défaillance multi organes. L’ensemble des examens bactériologiques était négatif. Le patient a reçu une antibiothérapie. Une fièvre et une hypotension sont apparues à J20. Une thrombopénie s’est constituée (178x109/L à J19, 54x109/L à J24). Un frottis sanguin pratiqué 22 jours après son admission a révélé la présence d’inclusions dans les polynucléaires neutrophiles compatibles avec une infection à Anaplasma phagocytophilum. Les prélèvements à J22 et J24 étaient positifs en PCR pour cet agent et présentaient une faible réactivité en immunofluorescence indirecte pour les IgG avec un titre de 64. La mise sous traitement par doxycycline à J24 a permis une ascension du taux de plaquettes à 163x109/L à J29.   

Une enquête ascendante a été pratiquée pour retrouver et tester les 59 donneurs à l’origine des produits sanguins administrés au receveur. Les prélèvements réalisés lors du don pour tous les donneurs des 34 concentrés érythrocytaires et 8 des 14 donneurs de plasma frais congelé ont pu être testés en PCR. Des échantillons post-don et des informations relatives à une pathologie et une exposition au risque (piqûre de tique) ont pu être obtenus chez 53 des 59 donneurs. Deux plasma frais congelés et deux cryoprécipités donnés ultérieurement ont pu être également testés.

Une donneuse âgée de 64 ans à l’origine d’un concentré érythrocytaire présentait une réaction positive en PCR et en immunofluorescence indirecte (IgG). De l’ADN  d’Anaplasma phagocytophilum a été retrouvé sur le don fait une quinzaine de jours avant la transfusion du concentré érythrocytaire chez le patient. Sur deux sérums collectés post-don (à un mois et demi et deux mois et demi), les titres des anticorps étaient à 512 et 256 respectivement. La donneuse n’a pas mentionné de piqûre de tique, ni l’existence de signe clinique mais signale avoir séjourné dans une zone endémique pour l’Anaplasma phagocytophilum un mois avant son don. Deux autres donneurs ont présenté une faibles réactivité en immunofluorescence indirecte (titre 64) mais un résultat négatif en PCR sur l’échantillon prélevé lors du don.          

Ce cas repose le problème de la prévention de transmission transfusionnelle d’agents infectieux non recherchés par les tests de dépistage en qualification biologique du don et qui ne peuvent être soupçonnés lors de l’interrogatoire pré-don en raison de l’absence de signe clinique ou de l’existence de signes mineurs. Anaplasma phagocytophilum survit dans un concentré érythrocytaire réfrigéré. L’intérêt de la déleucocytation dans de telles situations est à nouveau confirmé. Le receveur avait été transfusé avec des concentrés érythrocytaires non déleucocytés. Or l’agent est un parasite intracellulaire obligatoire des polynucléaires neutrophiles. Le recensement des cas d’infection par de tels agents et le suivi de leur évolution représentent des éléments importants pour renforcer la vigilance des praticiens exerçant dans le domaine transfusionnel et assurer ainsi une prévention efficace. 

Connaître précisément les symptômes qui permettent, chez un donneur de sang, de suspecter l’existence d’une infection transmissible par transfusion constitue un élément très important de la prévention de cette pathologie, notamment en l’absence d’un dépistage systématique ou orienté d’un ou plusieurs marqueurs de l’agent infectieux impliqué. Une équipe américaine vient de préciser les symptômes cliniques observables chez des donneurs de sang découverts infectés et virémiques pour le virus de West Nile (Custer et al. Associations between West Nile virus infection and symptoms reported by blood donors identified through nucleic acid test screening. Transfusion 2009, 49 : 278-288).

Les donneurs présentant une réactivité initiale en biologie moléculaire (technique TMA, Transcription-Mediated Amplification) ont été contactés par téléphone afin de rechercher un ou des symptômes cliniques de maladie de West Nile. Trois périodes ont été retenues pour rattacher ces symptômes : la première correspondant à la semaine précédant le don, la seconde au jour du don et la troisième aux deux semaines suivant le don. Les auteurs ont également inclus la recherche de facteurs de risque. Une comparaison a été réalisée entre les donneurs confirmés positif et les donneurs faux positif. Les donneurs détectés initialement en TMA ont été à nouveau testés en double et contrôlés du point de vue sérologique (recherche des anticorps IgM et IgG). Des contrôles ultérieurs ont été effectués chez les donneurs ayant bénéficié d’un suivi.

Cinq stades d’infection ont été retenu en fonction des résultats obtenus en biologie moléculaire et en sérologie. Les stades 1 ou 2 incluent les donneurs réactif uniquement en biologie moléculaire en test individuel. Le stade 3 comprend les donneurs réactif uniquement en biologie moléculaire, mais sur minipools (16 dons) (équivalent à un donneur testé individuellement mais à une dilution de 1/16ème). Le stade 4, les donneurs positif dans une des deux configurations de biologie moléculaire et avec des IgM. Le stade 5 enfin, correspond aux donneurs porteurs d’IgG et d’IgM mais avec une faible réactivité en biologie moléculaire en test individuel.
                       
Sur la période 2003-2006, 292 donneurs confirmés positif et 131 faux positif sur les 536 réactif initial ont été interviewés. Le questionnaire a été complété à partir de 2004. Les caractéristiques démographiques et professionnelles sont similaires entre les deux groupes.

Quelque soit la période considérée, 192 des 292 donneurs confirmés positif (soit 66 %) rapportent au moins un symptôme contre 65 (51 %) parmi les donneurs faux positif. Dans la semaine qui précède le don, 125 donneurs positif notifient au moins un symptôme (45 chez les donneurs faux positif). En ne tenant compte que des donneurs initialement réactif inclus dans cette étude, la valeur prédictive positive d’un symptôme sur cette période est de 43 %. Rapporter un symptôme le jour du don est peu fréquent. Soixante deux donneurs confirmés (67 %) notifient au moins un symptôme dans les deux semaines suivant le don [25 (64 %) chez les donneurs faux positif] (données excluant les donneurs de l’année 2003).

Dans la semaine précédant le don, le symptôme le plus fréquemment cité chez les donneurs confirmés correspond à des maux de tête (21%), suivi des courbatures (18 %) puis d’un rash (11 %), fréquence plus élevée que chez les donneurs faux positif. Le jour du don, ce sont les maux de tête (8 %), les courbatures (8 %) et les douleurs oculaires (4 %). Enfin, dans les deux semaines suivant le don les maux de tête, les courbatures et la faiblesse musculaire sont plus fréquents chez les donneurs confirmés positif.

En dehors du rash cutané (beaucoup plus souvent observé chez les donneurs confirmés que chez les donneurs faux positif, OR à 3,0), aucun autre symptôme n’est significativement plus fréquent chez les donneurs confirmés par rapport aux donneurs faux positif avant ou le jour du don. Sur les deux semaines qui suivent, seules les courbatures sont plus fréquentes chez les donneurs confirmés positif.

La combinaison de symptômes la plus discriminante entre les deux populations avant le don est l’association maux de tête / rash cutané (6 % chez les confirmés contre 2 % chez les donneurs faux positif). Après le don, l’association maux de tête / courbatures est plus fréquente chez les confirmés, mais c’est l’association courbatures / douleurs musculaires qui devient la plus discriminante (21 % chez les confirmés contre 5 % chez les donneurs faux positif) puis l’association courbatures / nausées ou vomissements (17 % chez les confirmés contre 5 % chez les donneurs faux positif). Par comparaison, sur la semaine pré-don, les donneurs rapportant trois symptômes ou plus présentent un risque de contamination supérieur à ceux qui n’en rapportent aucun (OR à 2,5).

Soixante dix neuf donneurs avaient des anticorps IgM associés ou non à des IgG au moment du don. Vingt donneurs testés en individuel en PCR étaient virémiques sans anticorps et 180 positifs en minipool sans anticorps. Enfin, l’existence d’une séroconversion n’est pas liée à la présence de symptôme la semaine précédant le don ou le jour du don. Le seul facteur de risque qui est associé avec l’infection par le virus West Nile est la notification d’un symptôme.

Pour le donneur, il existe une association significative entre fièvre après le don et nécessité de soins médicaux. Aucun des donneurs confirmé positif n’a développé une forme neurologique de la maladie.

L’utilisation de produits sanguins labiles, en particulier de concentrés érythrocytaires et plaquettaires, demeure importante dans le traitement de l’anémie et de la thrombopénie chez les patients cancéreux. De plus, récemment, un risque thromboembolique augmenté et une diminution de la survie ont été suggérés par des études suite à l’utilisation d’érythropoiétine chez ces patients. Une équipe américaine vient d’effectuer une étude rétrospective sur de tels patients et de montrer un lien entre risque thromboembolique, décès et transfusion érythrocytaire et plaquettaire (Khorana et al. Blood transfusions, thrombosis, and mortality in hospitalized patients with cancer. Archives of Internal Medicine 2008; 168: 2377-2381).

Les auteurs ont étudié une cohorte de 504 208 patients atteints de cancer admis dans 60 établissements hospitaliers entre 1995 et 2003. Parmi ces patients, 74 051, soit 14,7 %, ont été transfusés, 70542 ont reçu au moins un concentré érythrocytaire et 15237 (3 %) au moins un concentré plaquettaire. Un petit nombre de patients (3509, 0,7 %) n’a reçu que des plaquettes et 11 728 (2,3 %) ont été transfusés avec les deux types de produits. Ces derniers ont été inclus dans la catégorie «