Actualités et perspectives

 

DANS LA PRESSE…

 

La rareté des transfusions de granulocytes et le nombre très limité des indications de ce produit rendent très difficiles les études comportant un nombre significatifs de patients et l’obtention de conclusions pertinentes en pratique. Des auteurs israéliens viennent de publier des résultats obtenus chez des patients neutropeniques atteints d’infections mettant en jeu le pronostic vital et ayant reçu des concentrés de granulocytes (Ofran et al. Granulocytes transfusions for neutropenic patients with life-threatening infections: a single centre experience in 47 patients, who received 348 granulocytes transfusions. Vox Sanguinis 2007;93:363-369). Sur la période 1999-2004, les auteurs ont inclus 51 patients âgés de 16 à 68 ans présentant une neutropénie sévère avec infection mettant en jeu le pronostic vital. Ils n’ont pas inclus de patients n’ayant reçu qu’une transfusion de granulocytes. La neutropénie était à moins de 500 giga/l et l’infection, bactérienne ou fongique, n’était pas maîtrisée par la thérapeutique anti-infectieuse. Un total de 47 patients, tous atteints de pathologies hématologiques malignes, a pu être évalué. Sur l’ensemble, 15 avaient une infection bactérienne et 28 une infection fungique, possible (10 cas), probable (11 cas) ou invasive (7 cas). Chez 4, l’agent pathogène n’a pu être identifié. Ces patients ont reçus 348 concentrés granulocytaires. Six patients ont été victime d’une détérioration de leur état respiratoire après transfusion avec trois décès malgré une mise sous ventilation assistée.

L’augmentation du taux de granulocytes est observée après transfusion de granulocytes dans 70% des cas. Le seul facteur prédictif indépendant d’augmentation de ce taux retrouvé est la quantité de granulocytes transfusés. Ainsi, une dose inférieure à 2x1010 induit une faible augmentation du taux de granulocytes. Le maintien d’une augmentation du taux sur plus de la moitié des jours durant les transfusions de granulocytes est constaté chez 80% des patients et cette observation est indépendante du type d’infection.

La persistance de l’augmentation ou non du taux n’est pas fonction des caractéristiques du patient telles que âge, type de pathologie, de traitement,… Les auteurs notent toutefois que les patients qui nécessitent une prise en charge sur le plan hémodynamique ne parviennent que rarement à un accroissement persistant du taux des granulocytes.

Le seul facteur en faveur d’une évolution favorable est une réponse persistante à plus de 700 giga/l. Fait curieux mais intéressant est la constatation d’une augmentation du taux des plaquettes concomitante à la transfusion de granulocytes, même chez des patients présentant un état réfractaire antérieur avec des plaquettes monodonneur (effet plaquettes fraîches, cytokines,…).

Dans la discussion les auteurs soulignent la nécessité d’une dose de plus de 2x1010 pour obtenir une augmentation du taux de granulocytes le lendemain de la transfusion et de l’obtention d’un taux de granulocytes à plus de 700 giga/l pour une issue favorable. Les patients dont la consommation de granulocytes est « lente » seraient favorisés.

L’introduction de l’électrophorèse des protéines chez les donneurs de sang lors de la plasmaphérèse avait permis la détection de gammapathies monoclonales. Rachel et al. (Rachel et al. Monoclonal B-cell lymphocytosis in blood donors, British Journal of Haematology, 2007;139:832-836) ont recherché chez des donneurs de sang la prévalence de la lymphocytose B monoclonale. Cette pathologie correspond à une expansion clonale B en l’absence de signe clinique et diagnostique de leucémie lymphoïde chronique et autres processus lymphoprolifératifs B. Une préselection des donneurs a été réalisée en cytométrie en flux avec comme critères l’existence d’un taux de lymphocytes B portant le marqueur CD19 égal ou supérieur à 40% ou d’une co-expression du marqueur CD5 de plus de 15% sur les lymphocytes B CD19+. Les critères diagnostic de la lymphocytose monoclonale B utilisés sont ceux établis par un sous comité du « International Familial CLL consortium ». Entre juin 2000 et juillet 2002, 5141 donneurs sélectionnés au hasard ont été testés. Un immunophénotypage à l’aide d’un panel d’anticorps en cytométrie en flux a été effectué. Enfin, une étude de la monoclonalité des chaînes lourdes d’immunoglobulines a été réalisée par PCR.

Sur ces 5141 donneurs, 14 (0,27%) vérifiaient les critères de sélection. Sept d’entre eux ne présentaient pas d’expression clonale des chaînes légères kappa ou lambda et ont été exclus. Cinq des sept donneurs restants étaient des hommes et âgés de plus de 65 ans. Les deux plus jeunes étaient des femmes (39 et 52 ans). La fréquence de cette lymphocytose sur la totalité des donneurs testés était de 0,14%.  L’incidence augmentait avec l’âge. Ces sept donneurs présentaient un ratio kappa:lambda anormal. La monoclonalité a été confirmée au niveau des chaînes lourdes pour cinq d’entre eux. Sur le plan de la classification, en se basant uniquement sur les données hématologiques et les résultats d’immunophénotypage, six ont été classés comme porteur présumé d’une lymphocytose B monoclonale et un d’une leucémie lymphoïde chronique.

Les auteurs ont complété leur étude en additionnant sept donneurs détecté avant et après la période de leur étude. Douze sont présumés porteur d’une lymphocytose monoclonale et 2 d’une leucémie lymphoïde chronique. Il existe une forte prévalence de sujets masculins (12 cas) et une moyenne d’âge assez élevée (59 ans).

En se basant sur le taux de prévalence observé lors de l’étude (0,14%, taux que les auteurs pensent sous estimé) et en le rapportant au nombre de dons collectés annuellement aux Etats Unis (15 millions), les auteurs arrivent à un chiffre de 21 000 dons pouvant être porteurs de cette pathologie. Ils s’interrogent sur le risque potentiel pour les receveurs de tels dons. Il existe une probabilité faible, mais réelle d’évolution vers la leucémie lymphoïde chronique de tels patients. Le donneur « sain » peut donner régulièrement. Une partie des receveurs transfusés sont immunodéprimés. Même si la déleucocytation permet d’éliminer une part importante des leucocytes, la capacité de ces cellules à persister ou à proliférer chez le receveur demeure inconnue.

La découverte d’une gammapathie monoclonale chez un donneur de sang tout comme chez un malade pose le problème du suivi de ces sujets et d’une possible évolution vers le myélome multiple à plus ou moins long terme. Une équipe espagnole vient d’établir de nouveaux critères pour apprécier le risque de progression de la gammapathie monoclonale et du myélome multiple indolent vers un myélome multiple symptomatique (Pérez-Persona et al. New criteria to identify risk of progression in monoclonal gammopathy of uncertain significance and smoldering multiple myeloma based on multiparameter flow cytometry analysis of bone marrow plasma cell. Blood 2007;11:2586-2591). Partant d’une étude antérieure montrant que la proportion de cellules plasmocytaires aberrantes au sein des cellules plasmocytaires de la moelle osseuse en cytométrie en flux permettait le diagnostic différentiel du myélome multiple indolent et du myélome multiple symptomatique, les auteurs ont utilisé ce critère pour déterminer s’il pouvait représenter un marqueur de risque de progression dans la gammapathie monoclonale et le myélome multiple indolent. Quatre cent sept patient porteurs d’une gammapathie monoclonale et 93 avec un myélome multiple indolent ont été étudiés. Ils montrent qu’au moment du diagnostic, un taux de plasmocytes aberrants supérieur à 95% représente un facteur important de risque de progression. Dans le groupe gammapathie monoclonale, 24% des patients avec un taux supérieur à 95% de plasmocytes aberrants évoluent vers le myélome multiple contre 4% de ceux avec un taux inférieur. La probabilité cumulée de progression à 5 ans est de 25% contre 5%. Dans le groupe myélome multiple indolent, le taux de progression est de 63% chez les patients avec un taux supérieur à 95% contre 10% chez ceux avec un taux inférieur. Là aussi, la probabilité cumulée de progression à 5 ans est plus élevée (64%) dans le premier groupe que dans le second (8%). A l’aide d’une analyse multivariée, ils ont établi que le taux de cellules plasmocytaires aberrantes représentait le critère indépendant le plus important avec l’aneuploïdie et la parésie immunitaire dans les deux pathologies explorées.

En se basant sur deux paramètres indépendants (Pourcentage de cellules plasmocytaires aberrantes égal ou supérieur à 95% et aneuploîdie pour la gammapathie monoclonale, pourcentage de cellules plasmocytaires aberrantes et parésie immunitaire pour le myélome multiple) et en établissant un score (1 si le critère est présent, 0 s’il est absent), les auteurs ont pu définir 3 sous groupes à risque pour chacune des pathologies. Dans le cadre de la gammapathie monoclonale, la probabilité de progression à 5 ans est respectivement de 2, 10 et 46% si aucun, un ou deux critères est présent et pour le groupe myélome multiple indolent de 4, 46 et 72% si aucun, un ou deux critères est présent.

Les auteurs rappellent que la technique utilisée (cytométrie en flux) et les anticorps monoclonaux employés pour l’immunophénotypage sont simples et coût/efficace et que cette approche permet d’individualiser la stratégie de suivi des patients et d’envisager un traitement plus précoce, grâce notamment aux nouvelles molécules non cytotoxiques disponibles pour le traitement.

Enfin, une revue particulièrement intéressante sur le microchimérisme après transfusion vient d’être publiée dans la revue Vox Sanguinis (Utter et al. Transfusion-associated microchimerism. Vox Sanguinis, 2007 ;93:188-195).

 

Pierre MONCHARMONT